Lors d’une succession, il est courant que le patrimoine du défunt soit transmis en démembrement de propriété, c’est-à-dire partagé entre usufruitier et nu-propriétaire. Cette organisation permet de protéger le conjoint survivant, tout en assurant la transmission du capital aux enfants.
Mais comment fonctionne ce partage ? Qui fait quoi ? Et que faut-il savoir en matière de fiscalité ou de droits de succession ?
Dans cet article, on vous explique simplement le fonctionnement de l’usufruit dans le cadre d’une succession, avec des exemples concrets et les règles clés à connaître.
Usufruit et nue-propriété : une question de partage des droits
L’usufruit est le droit pour une personne, appelée usufruitier, de jouir d’un bien et d’en percevoir les revenus, sans en être propriétaire. Cela peut signifier habiter un logement, le louer et en toucher les loyers, ou encore encaisser les dividendes d’un portefeuille de titres.
En face, la nue-propriété appartient au nu-propriétaire, qui détient le droit de disposer du bien (le vendre, le transmettre), mais ne peut pas en jouir tant que l’usufruit est actif.
Usufruit + nue-propriété = pleine propriété.
Ce mécanisme s’appelle le démembrement de propriété, et il est souvent utilisé dans le cadre d’une succession pour organiser au mieux la transmission du patrimoine familial.
Le démembrement dans le cadre d’une succession
Au décès d’une personne, la loi prévoit des règles spécifiques pour répartir les droits entre le conjoint survivant et les enfants. Très souvent, le démembrement s’applique de la façon suivante :
- Le conjoint survivant reçoit l’usufruit de tout ou partie des biens successoraux.
- Les enfants héritent de la nue-propriété de ces mêmes biens.
Ce mécanisme permet au conjoint :
- de continuer à vivre dans la résidence principale ;
- ou de percevoir les revenus (par exemple, les loyers d’un appartement loué).
Mais attention : il ne peut pas vendre seul un bien en usufruit.
Exemple courant :
Monsieur X décède, laissant une maison, un portefeuille d’actions, et deux enfants.
➡️ Sa conjointe reçoit l’usufruit de l’ensemble.
➡️ Les enfants reçoivent la nue-propriété.
La conjointe peut vivre dans la maison ou la louer, percevoir les dividendes, mais ne peut rien vendre sans l’accord des enfants.
Ce système protège les droits de chacun : le conjoint bénéficie du bien sa vie durant, et les enfants sont assurés d’en devenir pleinement propriétaires à terme.
Quels sont les droits et les obligations de l’usufruitier ?
L’usufruitier ne détient pas la pleine propriété du bien, mais il en a l’usage exclusif tant que l’usufruit est en vigueur. C’est un droit réel, qui donne accès au bien sans en être propriétaire.
Les droits de l’usufruitier
L’usufruitier peut :
- occuper le bien à titre personnel (ex. : vivre dans un logement transmis en usufruit),
- le louer et percevoir les loyers,
- profiter des revenus générés (dividendes, intérêts, etc.),
- gérer l’usage courant du bien, comme s’il en était temporairement propriétaire.
En d’autres termes, l’usufruitier a le droit d’« utiliser » le bien et d’en « récolter les fruits ». D’où le mot « usufruit ».
Les limites à respecter
L’usufruitier ne peut pas vendre seul le bien. Toute décision de cession, d’hypothèque ou de transformation importante doit être conjointe avec le nu-propriétaire.
Il ne peut pas non plus détériorer le bien, ni le détourner de son usage normal. L’usufruit est un droit temporaire, le bien doit être restitué dans un état équivalent à la fin de l’usufruit.
Les obligations de l’usufruitier
L’usufruitier a plusieurs obligations légales :
- Entretenir le bien : il doit prendre en charge les réparations courantes (ex. : chaudière, peinture, plomberie légère).
- Payer les charges liées à l’usage (taxe foncière, assurance habitation, charges de copropriété non liées aux gros travaux).
- Préserver la valeur du bien pour le nu-propriétaire.
Les grosses réparations (toiture, murs porteurs, ravalement) sont en principe à la charge du nu-propriétaire, sauf disposition contraire.
L’usufruitier est un « gardien » du bien. Il en profite, mais doit veiller à ce qu’il ne se dégrade pas.
Quand prend fin l’usufruit dans une succession ?
L’usufruit est un droit temporaire. Il n’est pas éternel, et sa fin est clairement encadrée par la loi. Une fois l’usufruit éteint, le nu-propriétaire récupère automatiquement la pleine propriété du bien, sans formalité fiscale supplémentaire.
Le cas le plus courant : le décès de l’usufruitier
Dans la très grande majorité des successions, l’usufruit prend fin au décès du conjoint survivant.
À ce moment-là :
- les enfants (ou autres nus-propriétaires) deviennent pleinement propriétaires du bien,
- sans avoir à payer de nouveaux droits de succession sur cette transmission.
C’est la principale force du démembrement : la pleine propriété revient automatiquement au nu-propriétaire à la fin de l’usufruit.
Autres cas de fin d’usufruit
Il existe d’autres situations, moins fréquentes, où l’usufruit peut prendre fin :
- Usufruit temporaire : un usufruit peut être prévu pour une durée limitée (ex. : 10 ans). À l’échéance, il s’éteint automatiquement.
- Renonciation : l’usufruitier peut décider de renoncer volontairement à son droit.
- Extinction du bien : si le bien disparaît (ex. : immeuble détruit, bien vendu avec accord des parties), l’usufruit prend fin également.
Que se passe-t-il à la fin de l’usufruit ?
Dès que l’usufruit s’éteint :
- le nu-propriétaire devient plein propriétaire,
- sans frais ni démarches fiscales supplémentaires,
- et peut disposer librement du bien (l’occuper, le vendre, le louer…).
Il n’y a pas de nouvelle succession, ni d’impôt à régler à ce moment-là. La transmission s’est faite en deux temps, mais avec une fiscalité unique au départ.
Fiscalité et droits de succession en cas de démembrement
Le démembrement de propriété n’est pas seulement un outil juridique : c’est aussi un levier fiscal. Il permet de transmettre un bien à moindre coût fiscal, tout en assurant la sécurité financière du conjoint survivant.
Le principe : seuls les nus-propriétaires paient des droits de succession
Lorsqu’un bien est transmis en démembrement :
- l’usufruit est attribué au conjoint survivant, généralement sans fiscalité (car le conjoint est exonéré de droits de succession),
- les enfants reçoivent la nue-propriété du bien, et paient des droits de succession uniquement sur cette valeur réduite.
C’est un avantage fiscal fort : les enfants ne paient pas sur la valeur totale du bien, mais seulement sur une fraction, calculée en fonction de l’âge de l’usufruitier.
Comment est évaluée la nue-propriété ?
L’administration fiscale utilise un barème officiel, fondé sur l’âge de l’usufruitier au moment de la succession, pour répartir la valeur entre usufruit et nue-propriété.
Âge de l’usufruitierValeur de l’usufruitValeur de la nue-propriétéMoins de 21 ans90 %10 %61 à 70 ans40 %60 %71 à 80 ans30 %70 %81 à 90 ans20 %80 %91 ans et plus10 %90 %
Exemple chiffré
Prenons un bien immobilier évalué à 500 000 €.
Le conjoint survivant a 70 ans au moment du décès.
- La nue-propriété est évaluée à 60 %, soit 300 000 €.
- Les enfants paieront des droits de succession uniquement sur cette base de 300 000 €, répartie entre eux.
- Le conjoint survivant ne paie rien sur l’usufruit (200 000 € dans cet exemple).
Ce montage permet donc de transmettre un bien à moindre coût fiscal, tout en assurant la stabilité de vie du conjoint survivant.
Peut-on vendre un bien en démembrement ?
Oui, un bien démembré peut être vendu, mais la vente nécessite l’accord de toutes les parties : l’usufruitier et le (ou les) nu(s)-propriétaire(s). Aucun des deux ne peut décider seul de céder le bien.
Une décision conjointe obligatoire
Le démembrement crée une coexistence de droits sur un même bien :
- L’usufruitier détient l’usage du bien (l’habiter, le louer, percevoir les revenus).
- Le nu-propriétaire détient le droit de disposer du bien (le vendre, le transmettre).
➡️ Pour vendre, ces deux droits doivent être réunis temporairement, ce qui suppose un accord entre les parties.
En pratique, cela signifie que ni l’usufruitier, ni le nu-propriétaire ne peut vendre sans l’autre.
La vente d’un bien en démembrement est possible, mais elle repose sur une entente. Sans cela, le bien reste bloqué.
Répartition du prix de vente
Le prix obtenu lors de la vente est réparti entre usufruitier et nu-propriétaire selon la valeur fiscale de leurs droits respectifs, calculée en fonction de l’âge de l’usufruitier au moment de la vente.
Exemple :
- Bien vendu : 500 000 €
- Usufruitier : 70 ans → Usufruit = 40 %, Nue-propriété = 60 %
- Répartition :
- Usufruitier reçoit 200 000 €
- Nu-propriétaire(s) reçoivent 300 000 €
Cette répartition peut aussi faire l’objet d’un accord différent, notamment si l’usufruitier souhaite renoncer à sa part ou la réinvestir avec les nus-propriétaires dans un autre projet immobilier (par exemple, un bien en indivision).
Que faire en cas de désaccord ?
S’il y a désaccord sur la vente :
- Le bien ne peut pas être vendu sans accord commun.
- En cas de blocage persistant, le juge peut être saisi pour autoriser exceptionnellement une vente, mais cela reste rare et encadré.
Le démembrement peut ainsi ralentir certaines décisions patrimoniales, d’où l’importance de bien anticiper la répartition des droits et la communication entre héritiers.
En résumé – L’usufruit en succession, un outil de transmission équilibré
Le démembrement de propriété est une stratégie courante et efficace dans le cadre d’une succession. Il permet de protéger le conjoint survivant en lui garantissant l’usage des biens, tout en transmettant le patrimoine aux enfants dans des conditions fiscales avantageuses.
À retenir :
- Le conjoint survivant peut recevoir l’usufruit des biens, tandis que les enfants reçoivent la nue-propriété.
- Les droits de succession ne portent que sur la valeur de la nue-propriété, ce qui réduit la base imposable.
- À la fin de l’usufruit (souvent au décès du conjoint), les enfants deviennent pleinement propriétaires sans fiscalité supplémentaire.
- En cas de vente du bien, l’accord de l’usufruitier et des nus-propriétaires est nécessaire, et le prix est réparti selon leur part respective.
L’usufruit est bien plus qu’un droit temporaire : c’est un outil de transmission équilibré, au croisement du juridique, du familial et du fiscal.
FAQ – Succession et usufruit : vos questions les plus fréquentes
Comment l'usufruit influence-t-il la répartition des droits dans une succession ?
Il permet de séparer l’usage du bien (usufruit) de sa propriété (nue-propriété). Cela permet de protéger le conjoint tout en préservant les droits des héritiers.
Quelles sont les obligations de l’usufruitier lors d’une succession ?
L’usufruitier doit entretenir le bien, assumer les charges courantes, et ne pas en altérer la valeur. Il ne peut pas vendre le bien sans l’accord des nus-propriétaires.
Qui paie les droits de succession en cas de démembrement ?
Les enfants (nus-propriétaires) paient des droits sur la valeur de la nue-propriété. Le conjoint survivant est exonéré de droits de succession sur l’usufruit.
En quoi consiste le démembrement du droit de propriété dans une succession ?
C’est la séparation entre l’usufruit (usage) et la nue-propriété (droit de disposer). La réunion des deux constitue la pleine propriété.
Comment déterminer la valeur imposable de l’usufruit pour la fiscalité ?
Elle dépend de l’âge de l’usufruitier, selon un barème fiscal officiel. Plus l’usufruitier est âgé, plus la part de nue-propriété est élevée.
Comment se passe une succession avec usufruit ?
Le conjoint reçoit l’usufruit des biens, les enfants la nue-propriété. Le démembrement est acté par le notaire, et les droits sont calculés sur la seule valeur transmise en nue-propriété.
Quels sont les frais de succession en cas d’usufruit ?
Ils sont réduits, car calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété transmise. Le conjoint, s’il reçoit uniquement l’usufruit, ne paie rien.
Quels sont les inconvénients de l’usufruit ?
Le bien ne peut pas être vendu sans l’accord du nu-propriétaire. Il peut aussi générer des tensions si les héritiers souhaitent vendre ou récupérer leur part plus rapidement.
Est-ce que ma belle-mère a un usufruit éventuel sur mon bien immobilier ?
Si le bien appartenait à votre parent décédé et que votre belle-mère était mariée avec lui, elle peut bénéficier de l’usufruit du bien, selon les dispositions légales ou testamentaires. Il est conseillé de vérifier les titres de propriété et l’acte de notoriété dressé par le notaire.