Pourquoi un héritier peut bloquer une vente
La règle de l’unanimité en indivision
Après un décès, les héritiers deviennent indivisaires : ils détiennent ensemble, sans division matérielle, une quote-part du patrimoine du défunt. C’est ce que l’on appelle l’indivision successorale.
Or, en matière d’indivision, le principe est clair :
La vente d’un bien indivis nécessite l’accord unanime de tous les héritiers.
Autrement dit, le refus d’un seul indivisaire suffit à bloquer la vente.
Même si tous les autres sont d’accord.
Même si la vente est urgente.
C’est un principe protecteur, mais qui, dans la pratique, peut entraîner de graves lenteurs ou conflits.
Les formes les plus courantes de blocage
Voici comment ce blocage peut se manifester :
- 🧾 Un héritier refuse de signer les actes de vente chez le notaire.
- 🔕 Il ne répond pas aux sollicitations du notaire ni aux courriers.
- 💬 Il conteste le prix de vente ou l’estimation du bien.
- 🏛️ Il s’oppose à toute cession, pour des raisons affectives ou stratégiques.
Dans certains cas, ce blocage est tactique (retarder le partage, peser dans les négociations). Dans d’autres, il est purement conflictuel ou fondé sur une vision différente de l’intérêt familial.
Mais quoi qu’il en soit, il est possible d’agir.
Les principaux motifs de blocage d’une vente
Le refus d’un héritier peut avoir plusieurs causes. Certaines sont juridiques, d’autres personnelles. Mais toutes ont en commun de ralentir – parfois durablement – la liquidation de la succession.
Voici les situations les plus fréquentes.
1. Défaut d’option successorale
Lorsqu’un héritier n’a pas encore accepté ou renoncé à la succession, il est juridiquement en retrait. Il ne peut ni voter, ni vendre, ni signer. Mais paradoxalement, son absence d’action bloque toute avancée.
🕒 L’héritier a 10 ans à compter du décès pour se positionner.
Mais dès 4 mois après l’ouverture de la succession, les cohéritiers peuvent l’interroger officiellement (article 771 du Code civil).
S’il ne répond pas dans les 2 mois suivant la sommation, il est réputé acceptant.
Ce mécanisme permet d’éviter les successions gelées par silence ou inaction.
2. Désaccord sur la valeur du bien
Autre source fréquente de conflit : l’évaluation du bien à vendre.
💬 Un héritier estime que la maison est sous-évaluée ? Il peut refuser la vente.
💰 Un autre craint que la fiscalité (droits de succession, plus-value) soit trop lourde ? Il bloque l’acte.
Le notaire peut mandater un expert indépendant. Mais si le désaccord persiste, le juge peut trancher et désigner un expert judiciaire.
Ce blocage, bien que temporaire, retarde souvent de plusieurs mois la signature d’une vente.
3. Recel successoral
Plus grave encore : un héritier dissimule ou détourne volontairement un bien de la succession (ex : retrait de fonds, dissimulation de meubles, manipulation de testament).
On parle ici de recel successoral.
Ce comportement, sanctionné par la loi, gèle tout partage tant que la situation n’est pas clarifiée.
La vente d’un bien, dans ce contexte, devient juridiquement risquée, car elle pourrait fausser l’équilibre des droits entre cohéritiers.
4. Conflit sur le choix du notaire
Enfin, le choix du notaire lui-même peut être source de blocage.
En l’absence d’accord, c’est le tribunal judiciaire qui désigne un notaire neutre.
Mais cette procédure prend du temps… et aucune vente ne peut avoir lieu tant que le notaire n’est pas mandaté.
🔎 À noter : la jurisprudence fixe une préférence en cas de désaccord, allant du notaire de l’époux survivant à celui de l’héritier ayant le plus fort intérêt financier.
Comment débloquer la situation ?
Un héritier refuse de vendre ? Ne répond pas au notaire ? S’oppose à toute décision ?
Même si cela complique la succession, la loi prévoit des solutions concrètes pour surmonter ce type de blocage.
Solution amiable : convention ou négociation
Avant toute démarche judiciaire, la solution la plus rapide (et la moins coûteuse) reste la voie amiable :
- Négociation entre héritiers : accompagnée ou non par un notaire ou un médiateur,
- Convention d’indivision (article 815-1 du Code civil) : les héritiers définissent ensemble les règles de gestion de l’indivision (durée, pouvoirs, vente, etc.).
💡 Une convention bien rédigée permet d’organiser la vente future, en encadrant les décisions à la majorité et en évitant les blocages de principe.
Mais lorsque la discussion est impossible, il faut saisir le juge.
Solution judiciaire : agir même sans l’accord de tous
🔹 1. Autorisation judiciaire pour un acte de gestion
Si un héritier refuse un acte de gestion courant (réparation urgente, vente nécessaire pour payer une dette successorale…), les coindivisaires peuvent demander une autorisation judiciaire (article 815-5 du Code civil).
📌 Le juge autorisera l’acte si l’intérêt commun est menacé.
🔹 2. Licitation judiciaire : forcer la vente
Lorsqu’un bien ne peut être vendu faute d’unanimité, un ou plusieurs héritiers peuvent demander sa vente aux enchères publiques (article 815-5-1 du Code civil).
Cette procédure s’appelle une licitation judiciaire. Elle permet de sortir de l’indivision, même contre l’avis d’un ou plusieurs héritiers.
➡️ Le tribunal examine alors l’intérêt collectif et les circonstances du refus.
🔹 3. Mandat successoral : confier la gestion à un tiers
En cas de conflits persistants, d’inertie ou d’absence prolongée d’un héritier, un mandataire successoral peut être désigné par le juge (article 813-1 du Code civil).
Son rôle :
- Administrer les biens,
- Préserver la valeur patrimoniale,
- Préparer la sortie de l’indivision.
🕒 Cette solution est rapide, encadrée et efficace en cas de tensions bloquantes.
Que risque un héritier qui bloque abusivement ?
Il est légitime pour un héritier de poser des questions, de demander des garanties, voire de refuser une vente s’il estime ses droits menacés.
Mais lorsque l’opposition devient systématique, infondée ou purement stratégique, la loi prévoit des sanctions.
🔹 Perte de revenus ou d’usage
Un bien qui ne peut être vendu reste sous la responsabilité de l’indivision. Cela signifie :
- 🏠 L’impossibilité de louer le bien, ou
- 💸 Le maintien des charges (entretien, impôts, assurance…),
- 🧾 Des frais partagés entre tous les héritiers, y compris ceux qui veulent vendre.
Le refus d’un seul peut donc coûter cher à l’ensemble du groupe, et à lui-même.
🔹 Responsabilité financière
En cas de blocage injustifié, le juge peut :
- Condamner l’héritier récalcitrant à verser des indemnités aux autres,
- L’obliger à rembourser les frais liés à l’inaction ou aux procédures,
- Ou encore prononcer une indemnité d’occupation s’il réside seul dans un bien indivis.
📌 C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 16 novembre 2023 : un indivisaire resté inactif a été condamné à une indemnité (Cass. 3e civ., n° 22-11240).
🔹 Risque de condamnation pour recel successoral
Si le blocage s’accompagne d’une dissimulation de bien, d’un retrait d’argent ou de tout acte frauduleux visant à rompre l’égalité du partage, l’héritier peut être poursuivi pour recel successoral.
Conséquences :
- Perte de la part recelée,
- Exclusion du partage sur ce bien,
- Condamnation judiciaire.
🔹 Perte de légitimité dans la succession
Un héritier qui bloque la vente sans motif légitime peut voir :
- Son influence réduite dans les négociations,
- Ses décisions remises en cause par le notaire,
- Ses droits examinés plus strictement par le juge.
👉 Dans les successions complexes, la posture compte : un héritier de mauvaise foi fragilise sa propre position.
FAQ – Questions fréquentes
🏠 Un héritier peut-il empêcher la vente d’une maison ?
Oui, tant que le bien est en indivision, la vente nécessite l’accord de tous les héritiers. Un refus suffit à bloquer l’opération. En cas de désaccord persistant, une licitation judiciaire peut être demandée.
⚖️ Comment faire si un héritier refuse de signer la vente ?
Vous pouvez :
- Tenter une médiation amiable via le notaire,
- Demander une autorisation judiciaire si l’intérêt commun est en jeu,
- Ou engager une procédure de licitation forcée devant le tribunal.
📉 Peut-on vendre une maison sans l'accord d'un héritier ?
En principe, non. Mais l’article 815-5-1 du Code civil permet à des indivisaires représentant au moins 2/3 des droits d’obtenir une autorisation judiciaire, sous conditions strictes.
🔍 Un héritier peut-il bloquer la vente s’il conteste la valeur du bien ?
Oui, mais il devra en justifier. Le notaire peut proposer une expertise. À défaut d’accord, un juge peut nommer un expert pour fixer la valeur.
⚠️ Quel risque court un héritier qui bloque la succession ?
- Retard dans le partage,
- Engagement de frais à sa charge (indemnité d’occupation, condamnation judiciaire),
- Perte de ses droits en cas de recel successoral avéré.