Une succession peut-elle vraiment rester bloquée indéfiniment ?
Il n’est pas rare qu’une succession reste figée pendant des mois, voire des années. Certaines familles se retrouvent dans une impasse, avec un ou plusieurs héritiers qui refusent de signer les documents nécessaires, ou une contestation du testament qui bloque toute avancée.
Mais est-ce légal ? Peut-on vraiment bloquer une succession sans limite de temps ?
La réponse est non. Le droit encadre clairement le règlement d’une succession et prévoit des délais à respecter ainsi que des recours juridiques pour débloquer la situation.
« Un héritier ne peut pas bloquer une succession sans fin. La loi impose des étapes, et surtout, elle permet d’agir si l’un des héritiers freine volontairement le processus. »
L’objectif est simple : protéger les droits de tous les héritiers et éviter que la succession ne devienne un sujet de conflit permanent. Le point de départ ? Un délai légal à ne pas dépasser.
Le délai légal pour régler une succession : 12 mois
En principe, une succession doit être réglée dans un délai de 12 mois à compter du décès.
Cela signifie que, dans l’année qui suit :
- les héritiers doivent accepter ou renoncer à la succession ;
- un inventaire des biens du défunt doit être établi (dans certains cas) ;
- les droits de succession doivent être payés à l’administration fiscale ;
- et surtout, le partage des biens doit être effectué, à l’amiable ou par voie judiciaire si nécessaire.
À noter : ce délai de 12 mois n’est pas simplement une formalité administrative. Il a des conséquences fiscales importantes :
si la succession n’est pas réglée dans ce délai, les héritiers peuvent s’exposer à des intérêts de retard sur les droits de succession à payer.
Exemple concret :
Un décès survient en mars 2023. Les héritiers ont donc jusqu’en mars 2024 pour :
- accepter ou refuser la succession ;
- déclarer les biens à l’administration fiscale ;
- et organiser le partage.
Si, au-delà de mars 2024, l’un des héritiers refuse toujours de signer l’acte de partage sans raison valable, les autres peuvent légalement engager une procédure pour forcer le partage.
Autrement dit, le blocage ne peut pas durer éternellement, et la loi prévoit des moyens d’y mettre fin si le dialogue entre les héritiers ne suffit pas.
Quand un héritier bloque : motifs sérieux vs blocage abusif
Toutes les situations de blocage ne se valent pas. Avant d’agir, il faut distinguer deux cas très différents : le blocage justifié et le blocage abusif.
Blocage justifié : quand un litige empêche temporairement le partage
Il arrive qu’un héritier s’oppose au règlement de la succession pour des raisons juridiquement fondées. Dans ce cas, le blocage est temporaire, le temps que le litige soit tranché.
Quelques exemples fréquents :
- L’un des héritiers conteste la validité du testament : il estime qu’il a été rédigé dans des conditions douteuses, ou sous influence.
- Un héritier réclame une indemnisation pour avoir contribué à l’entretien du bien familial, ou estime avoir été lésé dans le partage.
- Il existe des dettes ou créances entre le défunt et un héritier, qu’il faut d’abord résoudre.
Dans ces cas-là, la procédure peut durer plus longtemps, parfois plusieurs mois, voire des années. Mais la justice veille à ce que le litige soit tranché, et que le partage puisse avoir lieu une fois le différend résolu.
Blocage abusif : quand un héritier refuse sans raison valable
À l’inverse, certains blocages n’ont aucune justification sérieuse. Cela peut se produire lorsqu’un héritier :
- refuse de signer les actes notariés sans expliquer pourquoi ;
- ne répond plus aux sollicitations du notaire ;
- exprime un désaccord flou ou personnel, sans base légale.
Ce type de comportement est considéré comme un blocage abusif. Et la loi permet d’y mettre fin.
Voici ce que peuvent faire les autres héritiers :
- Adresser une mise en demeure à l’héritier récalcitrant, souvent par l’intermédiaire du notaire.
- Si, après environ 3 mois, aucune réponse ou avancée n’est obtenue, ils peuvent saisir le tribunal judiciaire pour demander un partage judiciaire.
Exemple concret :
Trois frères héritent d’une maison de famille. Deux souhaitent vendre, mais le troisième refuse catégoriquement de signer l’acte notarié, sans donner d’explication. Après plusieurs relances restées sans réponse, les cohéritiers engagent une procédure auprès du tribunal.
Résultat : le juge peut ordonner le partage, avec ou sans l’accord de l’héritier bloquant. Ce dernier ne peut donc pas empêcher indéfiniment le règlement de la succession.
Le partage judiciaire : la solution pour débloquer une succession
Quand la discussion ne suffit plus, que les blocages persistent malgré les relances, les héritiers peuvent avoir recours à une solution prévue par la loi : le partage judiciaire.
C’est une procédure encadrée qui permet de forcer le règlement d’une succession, même sans l’accord de tous les héritiers.
Qui peut demander un partage judiciaire ?
Tout héritier, quel que soit son lien de parenté ou sa part d’héritage, peut saisir le tribunal judiciaire pour demander le partage.
Il n’est pas nécessaire d’avoir l’unanimité : un seul héritier peut enclencher la démarche.
Cela est possible :
- après 12 mois suivant le décès, si la succession n’a pas été réglée ;
- plus tôt, si un blocage abusif est clairement identifié (par exemple, un héritier refuse de collaborer ou de répondre depuis plusieurs mois).
"Le juge devient alors l’arbitre de la situation, et peut ordonner un partage équitable, en tenant compte de la situation de chacun."
Comment se déroule la procédure ?
- L’héritier saisit le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession (généralement le dernier domicile du défunt).
- Le juge peut désigner un notaire chargé du partage, ou un expert si nécessaire.
- À l’issue de la procédure, une décision de justice impose le partage à tous les héritiers.
Même l’héritier réticent ne peut plus s’y opposer.
Exemple concret :
Une femme décède en laissant deux enfants. L’un d’eux refuse de vendre les biens, ne répond pas aux courriers du notaire, et bloque tout. Après plusieurs mois sans avancée, son frère saisit le tribunal.
Le juge ordonne l’ouverture d’un partage judiciaire. Un notaire est désigné pour gérer les opérations. Résultat : la maison est estimée, puis vendue, et le produit partagé entre les héritiers, selon leurs droits.
Le partage judiciaire, une solution de dernier recours ?
Oui, mais efficace. Cette procédure est souvent perçue comme lourde ou conflictuelle, mais dans les faits, elle permet de sortir d’un blocage qui peut durer indéfiniment si rien n’est fait.
"Mieux vaut engager un partage judiciaire que laisser une succession se figer pendant 5 ou 10 ans, au détriment de tous."
Le délai pour accepter ou renoncer à une succession : 10 ans
Lorsqu’un proche décède, les héritiers ne sont pas obligés d’accepter immédiatement la succession. La loi leur laisse du temps pour réfléchir, se renseigner, et faire un choix éclairé.
Mais ce délai n’est pas illimité.
Délai légal : 10 ans pour se positionner
Les héritiers disposent d’un délai de 10 ans à compter du décès pour :
- accepter purement et simplement la succession (c’est-à-dire avec les actifs et les dettes) ;
- accepter à concurrence de l’actif net (en cas de doute sur les dettes du défunt) ;
- ou renoncer à la succession.
"Passé ce délai de 10 ans, l’héritier est présumé avoir renoncé à la succession, sauf s’il peut prouver qu’il ignorait son droit."
En pratique : que se passe-t-il si un héritier ne se manifeste pas ?
Un héritier qui ne répond pas, ne signe rien, et ne prend aucune position claire peut ralentir considérablement le règlement de la succession.
Mais attention : son inaction n’est pas sans conséquence.
Après un certain temps, les autres héritiers peuvent :
- lui adresser une sommation d’opter (un acte notarié ou judiciaire qui l’oblige à se prononcer) ;
- s’il ne répond toujours pas dans les 2 mois, il est réputé avoir accepté purement et simplement la succession.
Cela permet de lever l’ambiguïté juridique et de poursuivre les démarches sans attendre indéfiniment.
Exemple concret :
Un oncle décède et laisse trois neveux héritiers. Deux acceptent la succession. Le troisième ne répond jamais. Les démarches bloquent pendant plusieurs mois.
Les cohéritiers font délivrer une sommation d’opter. Sans réponse dans les deux mois, il est considéré comme ayant accepté.
La succession peut alors avancer, même sans sa signature.
Ce mécanisme évite qu’un héritier inactif ne bloque toute la succession pendant 10 ans.
Exceptions possibles au délai de 10 ans
Dans certains cas exceptionnels, le délai peut être suspendu ou prolongé :
- l’héritier ignorait l’existence de la succession ;
- il était dans l’impossibilité matérielle ou juridique d’agir (par exemple, une personne sous tutelle sans représentant légal).
Mais ces situations sont rares et nécessitent des preuves solides pour être reconnues par le juge.
Prescription : jusqu’à quand peut-on revendiquer ses droits dans une succession ?
Même si une succession peut parfois rester en suspens pendant des années, les droits des héritiers ne sont pas éternels. La loi prévoit un délai de prescription, passé lequel il n’est plus possible de revendiquer sa part d’héritage.
Le délai de prescription dépend de la date d’ouverture de la succession
- Pour les successions ouvertes à partir du 1er janvier 2007, le délai de prescription est de 10 ans.
- Pour celles ouvertes avant cette date, le délai est porté à 30 ans.
"La prescription signifie qu’au-delà de ce délai, un héritier ne peut plus légalement réclamer sa part, même s’il prouve qu’il est héritier."
Exemple concret :
Un homme décède en 2008. Sa fille, éloignée de la famille, apprend seulement en 2022 qu’elle était héritière.
Le délai de prescription de 10 ans étant écoulé, elle ne peut plus faire valoir ses droits, sauf si elle prouve qu’elle ignorait totalement l’existence de la succession — ce qui reste difficile et aléatoire.
Peut-on prolonger ce délai de prescription ?
Dans des cas très spécifiques, le point de départ du délai peut être repoussé, par exemple :
- si l’héritier ignorait légitimement la succession (absence totale d’information, succession dissimulée, etc.) ;
- si l’héritier était dans une situation d’incapacité juridique (personne sous tutelle sans représentant).
Mais attention : ces exceptions ne sont pas automatiques, et elles doivent être validées par un juge, sur présentation de preuves solides.
Pourquoi la prescription existe-t-elle ?
Elle permet de garantir une stabilité juridique : au bout d’un certain temps, les droits de propriété doivent être consolidés, et les successions closes définitivement.
Cela évite que des héritiers apparaissent 20 ou 30 ans plus tard pour contester un partage ou revendiquer des biens déjà transmis ou vendus.
"En pratique, mieux vaut agir rapidement, dès que l’on apprend l’existence d’une succession. L’inaction prolongée peut faire perdre définitivement ses droits."
En résumé : non, une succession ne peut pas être bloquée sans fin
Beaucoup pensent qu’il suffit qu’un héritier s’oppose pour figer une succession indéfiniment. En réalité, le droit encadre précisément ces situations et prévoit des solutions concrètes.
Voici l’essentiel à retenir :
- Le partage d’une succession doit intervenir dans les 12 mois suivant le décès.
- En cas de blocage abusif, une mise en demeure peut être adressée, puis une procédure judiciaire engagée après 3 mois.
- Si un héritier refuse de se prononcer, il peut être sommé d’opter. Passé un délai de 2 mois sans réponse, il est considéré comme ayant accepté la succession.
- Le partage judiciaire est un recours efficace pour sortir d’un blocage prolongé.
- Les héritiers disposent de 10 ans pour accepter ou renoncer à une succession.
- Le délai de prescription est de 10 ou 30 ans selon la date d’ouverture de la succession. Au-delà, les droits sont perdus.
"Le droit successoral protège les héritiers, mais aussi la stabilité des situations patrimoniales. Agir dans les délais est donc essentiel."
Questions fréquentes en matière de blocage concernant une succession :
Peut-on bloquer une succession si on est en désaccord avec les autres héritiers ?
Oui, mais pas indéfiniment. En cas de désaccord, il est possible de demander un partage judiciaire pour trancher la situation.
Que faire quand un héritier ne répond pas ou ne signe rien ?
Les cohéritiers peuvent lui adresser une mise en demeure, puis une sommation d’opter. S’il ne répond pas dans les 2 mois, il est réputé avoir accepté la succession.
Combien de temps un testament peut-il être contesté ?
Le délai est généralement de 5 ans à compter de la découverte du testament, ou de l’ouverture de la succession, selon les cas.
Qui peut demander un partage judiciaire ?
Tout héritier, même seul, peut saisir le tribunal judiciaire pour demander un partage lorsque les autres bloquent ou refusent de coopérer.
Quel est le délai maximum pour régler une succession ?
Il n’y a pas de « maximum » légal absolu, mais au-delà de 12 mois, des pénalités fiscales peuvent s’appliquer. Et au-delà de 10 ans, les droits successoraux peuvent être perdus par prescription.